D’un voyage en Russie

 

Février. Mois le plus court sur le calendrier mais le plus long pour les hommes où la lassitude de l’hiver étreint les âmes, même les plus hardies.
Et d’ailleurs, quitte à avoir froid, autant avoir vraiment froid en allant en Russie. Bon, pas en Sibérie hein, mais entre Moscou et Saint Petersbourg.
Profitant donc de ce temps merveilleux ,non pour admirer les vastes étendues gelées, mais pour s’enfouir dans le microcosme douillet des grands musées locaux,
la découverte du génie pictural Russe fut bouleversante.

 

Saint Petersbourg.

La ville des tsars. Résolument tournée vers l’occident. A ce point d’ailleurs que lorsque les locaux se rendent compte (très vite) de votre difficulté à baragouiner vos 3 mots
de russe appris sur youtube quelques jours avant de partir, qu’ils s’adressent à vous dans un anglais parfait. Confortable, mais assez vexant vis à vis de l’effort fourni
d’essayer de parler russe.

 

L’Hermitage.
AAAAh, l’Hermitage…comment dire…. c’est un peu comme le Louvre, on rêve de le visiter, d’être confronté à tel ou tel tableau conservé dans ses galeries.
Mais une fois dedans…un curieux sentiment s’installe: c’est le monde des grands musées, interchangeables dans leur conception de ville-musée,que l’on arrive toutefois à quitter dans la
contemplation des chefs d’œuvres accrochés à leurs cimaises.
Et puis, voir de l’art européen en Russie, c’est un peu comme se taper un gratin dauphinois au fin fond du Japon: c’est sympa car on se sent à la maison, mais on se dit que
c’est dommage d’avoir fait tout ce voyage et de ne pas goûter aux spécialités locales.

Le Musée Russe.
A deux pas de l’Hermitage (Enfin, quand on dit à « deux pas » à Saint Petersbourg, c’est environ un ou deux kilomètres), se trouve le musée russe regroupant donc l’art russe du Xème siècle au
XXème siècle et qui, soit dit en passant, est le plus important musée du pays dédié à l’art russe. Et franchement, ça vaut vraiment le détour. Oubliez les touristes, ici les seuls groupes que
vous croiserez seront les classes d’élèves russes.
Le musée est énorme, les collections tout autant. On y trouve pèle-mêle: des icônes du Xème au XVIIIème siècle, une importante section d’art populaire/ art décoratif, des
sculptures et surtout des milliers de peintures du XVIIIème au XXème siècle. Si vous avez un temps soit peu de culture picturale, il est impossible de ne pas vivre un choc
intérieur confronté à la peinture russe. Si le 18ème siècle est assez ennuyeux, et sans grande originalité (on sent qu’à cette époque, les artistes russes « ingèrent »
le language pictural venu d’occident), le 19ème siècle voit l’éclosion du génie russe en peinture. et j’insiste sur le mot génie! Et là où en France l’impressionnisme a
conduit par une rupture brutale à un ravage de l’esprit pictural français, ici, mon Dieu, les russes ont su garder le leur.Et, intégrant la nouveauté, y imprègnent une poésie, ainsi qu’un sens du drame et de la composition typiquement russe.

Isaac Levitan (1860-1900) »La lune au crépuscule »

Sylvestre Chtchedrine (1791-1830) »Sorrento »

Abram Arkhipov (1862-1930) « La visite »

Avant de quitter Saint Petersbourg, faites donc un crochet à cette adresse: Bolshaya Konyushennaya St., 25, Saint-Pétersbourg 191186 Russie

Vous y trouverez une institution populaire continuellement bondée: une boutique qui n’a rien à voir avec l’art,
mais où vous pourrez acheter à toute heure de la journée des assiettes de beignets et une tasse de café au lait. En faire l’économie serait une grossière erreur.

Moscou.

Ici, on parle beaucoup moins anglais: ce qui permet de briller avec nos fameux trois mots de russe. Suscitant au passage l’admiration de notre auditoire, en général très touché que vous ayez fait l’effort d’essayer de parler leur langue. La ville est vaste, aérée, propre, et impressionnante par certains aspects.
La Maslenitsa (sorte de mardi gras typiquement russe) fêtée en février, donne l’occasion de se balader aux alentours de la place rouge entre les nombreuses cabanes à blinis et de croiser la route d’un groupe de Mamuthones invités de Sardaigne pour l’occasion.

« Mamuthones » Aquarelle sur papier Roma Février 2020

 

la galerie Tetriakov

Sergey Vasilyevich Ivanov (1864-1910) « Famille »

Le seul musée moscovite que j’ai pu visiter et non des moindre. Pour la petite histoire, Pavel Tetriakov(1832-1898), fut un amateur d’art, collectionneur, soutien et mécène de nombreux artistes de son époque ayant ce grand désir de réunir les œuvres les plus importantes de son pays. Il fera construire une galerie pour y exposer cette formidable collection qu’il ouvrira au public dans les années 1880. Quelques années plus tard, il fit don de sa collection à la ville de Moscou.
Et là,on dit merci à Mr Tetriakov et à tous les collectionneurs et mécènes de leurs époques d’avoir pallié aux carences des institutions publiques dans ce domaine.
Ici aussi gros coup de foudre pour les collections du musée puisqu’elles ne concernent que l’art russe. Collections qui complètent admirablement la visite du musée russe de Saint Petersbourg: certains tableaux de la galerie Tetriakov ayant leurs études préparatoires à Saint Petersbourg et inversement.
Le plus marquant aura été la découverte des paysagistes russes: Chichkine, Levitan,Roerich …. et surtout Arkhip Kouïndji que j’estime être un véritable génie sensible de la peinture de paysage.

Nikolai Dubovskoy(1859-1918) « Silence »

Ivan Kramskoï (1837-1887) « L’inconnue »

Arkhip Ivanovitch Kouïndji(1841-1910) « Après la pluie »

Zinaïda Serebriakova(1884-1967) « Au déjeuner »